Humus

De la même racine qu’humain et humilité
Les gardiens du sol

François D’Aoust et Mélina Plante sont l’âme des Bontés de la Vallée, une ferme biologique en agriculture régénératrice.

François a grandi à Brossard. Enfant, il allait jouer sur les terrains où ont poussé depuis le quartier DIX-30 et les développements résidentiels. Plus tard, il étudie en graphisme au Cégep du Vieux-Montréal mais ne se sent pas bien en ville. L’idée de travailler en environnement fait son chemin. À la fin de ses études, il passe un été sur la Côte-Nord, tente de se faire un campement et rencontre des Innus. Il est fasciné par leur relation avec la nature et leur connaissance des plantes comestibles et médicinales en même temps qu’il constate notre propre déconnexion de la nature.

Il formule alors les questions qui sont encore à ce jour au coeur de sa quête: quels savoirs et quel rapport au monde pourraient aujourd’hui aider l’humanité à vivre sans détruire son propre habitat? Comment reconnecter avec la nature?

Il décide de retourner sur les bancs d’école où il étudie la culture des plantes médicinales. Trois ans plus tard, il opte finalement pour la production maraîchère. Il achète une terre à Havelock, en Montérégie : 16 hectares dont un boisé. Un système mixte qui réjouit l’agriculteur dont la devise est diversité. La ferme produit plus de 70 sortes de légumes, fruits et fines herbes et approvisionne en saison entre 500 et 600 familles.

François met de l’avant aussi l’idée d’une alimentation moins basée sur la culture des plantes annuelles « qui épuisent le sol », une alimentation où les plantes sauvages, les noix et fruits sauvages tiendraient une plus grande place. Il en amène aussi souvent que possible dans ses marchés.

Quand on lui demande comment il voit la résilience alimentaire, il répond : « Connaître suffisamment les plantes sauvages pour pouvoir sortir de la maison et trouver à manger ».


Mélina grandit à Trois-Rivières. Elle poursuit ses études à l’UQÀM où elle obtient une maîtrise en communication. Sa vie prend un tournant inattendu quand elle s’abonne aux paniers bio des Bontés de la Vallée. C’est le coup de foudre avec son fermier de famille, François, qui l’invite à venir le rejoindre sur ses terres à Havelock.

Au début, Mélina apporte son soutien en prenant en charge l’administration de la ferme. Mais elle réalise vite que rien ne la rend plus heureuse qu’avoir les mains dans la terre. L’observation de la nature lui procure aussi beaucoup de joie. Elle met néanmoins à profit ses talents de communicatrice en animant la communauté de leurs abonnés : site web, page Facebook et, quand les travaux des champs lui en laisse le temps, infolettre où elle partage ses réflexions d’agricultrice philosophe. Des textes finement écrits qui invitent à la réflexion.

Elle et François se questionnent souvent sur leur rôle. Produire de la nourriture pour les urbains ne contribue-t-il pas à maintenir une certaine déconnexion d’avec la nature? À entretenir l’illusion d’une civilisation « hors sol »?

Pour Mélina, « une reconnexion profonde avec la nature ne peut se faire qu’en entrant dans une relation de dépendance avec elle, pas seulement dans un contexte de loisir la fin de semaine. Et c’est cette dépendance qu’on vit en demandant à la nature de produire notre nourriture ».

Ce qui les amène de plus en plus à voir la ferme comme un lieu privilégié de reconnexion. Leur objectif de créer autour d’eux une communauté stable de producteurs-consommateurs a été mis à mal par la pandémie mais ils continuent de travailler en ce sens.