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La sécurité alimentaire mondiale menacée

Partout dans le monde, l’agriculture contribue de façon importante à la destruction des sols et des écosystèmes ainsi qu’à la perte de biodiversité. On sait aussi que le dérèglement climatique -auquel l’agriculture contribue elle-même significativement, entraînera une baisse des rendements agricoles. Aggravée par les logiques commerciales dominantes, cette situation mènera à des famines, des guerres et à la migration forcée de centaines de millions de personnes. Et sans doute aussi à l’effondrement de valeurs que nous considérons aujourd’hui comme fondamentales. 

Comment en sommes-nous arrivés là?

Nous avons tous plus ou moins le sentiment que les problèmes de notre époque ont quelque chose en commun.

Il est en effet permis de penser que la crise environnementale, ou plutôt la crise multiforme permanente que nous vivons, était en germe dans un certain rapport au monde qui s’est développé particulièrement en occident et qui est aujourd’hui dominant à l’échelle de la planète. Un rapport au monde utilitariste, aveugle aux interdépendances et à la complexité du vivant, qui sépare l’Homme de la nature et réduit celle-ci à l’état de ressource à exploiter, qui sépare et isole aussi les humains en les mettant en concurrence les uns avec les autres dans une course effrénée à la croissance infinie, qui fractionne enfin la connaissance et cloisonne les savoirs.

Nous sommes aujourd’hui à même de constater les limites, sinon les ravages de cette vision du monde. 

Un autre rapport au monde est-il possible?

L’Homo sapiens ne s’est pas toujours perçu à l’extérieur de la nature. Pendant la majeure partie de son histoire de 300 000 ans, il a été chasseur-cueilleur. Comme l’écrit Stéphane Durand dans 20 000 ans ou La grande histoire de la nature, Sapiens mène alors « une vie sur le mode de la cohabitation avec tous les habitants d’un même territoire, où l’on accueille les choses sans se les approprier. Humains et non-humains vivent grâce aux autres, par les autres, au risque des autres. » Cette vision du monde est encore aujourd’hui portée par les peuples autochtones.

L’avènement de l’agriculture il y a 12 000 ans va progressivement conduire au renversement de ce rapport au monde. « L’homme cherche à prendre son destin en main pour ne pas laisser le hasard et la nécessité écrire l’histoire à sa place. »

L’agriculteur domestique les espèces végétales et animales qui lui apparaissent désirables, en écarte d’autres comme nuisibles. « On passe d’une logique d’inclusion à une d’exclusion. (…) Les agriculteurs n’appartiennent plus à la terre ; c’est la terre qui leur appartient. Changement radical de perspective, qui autorise toutes les destructions en toute bonne conscience », poursuit Stéphane Durand.

L’abondance des richesses fabriquées par la terre pendant des milliards d’années a donné aux humains un sentiment grisant de toute-puissance. Nous prenons aujourd’hui conscience de notre vulnérabilité.

Comment transformer un rapport au monde ancré dans une histoire millénaire?

Considérant le pouvoir structurant de l’agriculture dans les sociétés, pourrions-nous imaginer apprendre à habiter le monde autrement en commençant par produire notre nourriture autrement? Manger n’est-il pas le geste premier? En écologisant l’agriculture, nous pourrions réapprendre ensemble à penser en termes d’écosystème, retrouver un sens de la cohabitation, de l’interdépendance et du partage. Toutes notions qui trouvent aussi un écho dans la sphère sociale.

Une agriculture écologique aurait également un impact régénérateur immédiat sur tous les écosystèmes, les sols, l’eau des lacs, des rivières et des nappes phréatiques; un impact aussi sur le climat par la captation et la séquestration du carbone en trop dans l’atmosphère; un impact enfin sur la qualité nutritive de nos aliments et donc sur notre propre santé.

Mais pour cela, il faudrait faire de l’agroécologie un grand projet collectif. Nous avons hérité d’une économie qui s’est structurée au 20e siècle autour des énergies fossiles. Aurons-nous la maturité nécessaire pour passer à l’action et structurer l’économie du 21e siècle autour du vivant?